Élevage du taureaux de combat... Historique

toro-de-yonnetIl paraîtra assez évident, en matière d'historique des élevages de taureau, d'établir d'abord une (relative) différence entre les deux races concernées par la notion de combat. L'expression toro de lidia, littéralement taureau de combat, est assez explicite : l'animal, de race ibérique, est élevé exclusivement pour livrer un combat, quelques minutes durant, sur le sable de l'arène.

Le taureau de race Camargue, tel qu'il est élevé à l'intérieur ou à proximité du delta du Rhône, n'est peut-être pas concerné par un combat proprement dit, pas en tout cas par celui qui serait mortel. Mais la défense de la cocarde placée entre ses deux cornes est bien un combat contre l'homme qui cherche à s'approprier cet attribut. Même si on parle du jeu du razeteur, ou de celui de la muleta. Jeu ou combat, il suffira de fixer un code...

On sait donc que la corrida et la course camarguaise sont profondément différentes, tout comme sont différentes les deux races de taureaux, que sépare, si l'on peut dire, une simple frontière administrative. Il suffit d'ailleurs d'observer un représentant de chacune des ces deux races pour se rendre compte que ce sont surtout les morphologies qui différent, la forme des cornes ou la taille proprement dite. Bien avant les différences de comportement.

La-Paluna-3Les historiens s'accordent à reconnaître dans l'urus ou bos taurus de l'antiquité un ancêtre commun, mais certains assurent que le taureau de Camargue est originaire d'Asie, et d'autres d'Afrique... De la même façon, les origines du toro espagnol sont l'objets d'hypothèses qui ne concordent jamais, la plus plausible (sic) fixant en Mésopotamie, entre le Tigre et l'Euphrate, en Asie occidentale, le point de départ d'une race qui s'installera enfin dans la péninsule ibérique.

On pourrait gloser interminablement sur les origines de cet animal dont on retrouve des traces nombreuses dans des lieux préhistoriques de France ou d'Espagne. Mais si on souhaite évoquer l'élevage proprement dit du toro de lidia, celui qu'on destine à la corrida, il faudra rapidement passer sur les siècles de vie de l'animal à l'état sauvage, pour arriver, en Espagne surtout, au XVI° et au XVII° siècle, époque où naissent les premières ganaderías, les premiers élevages.


En France, l'histoire est plus récente.


toro-yonnetEntre 1869, date de l'arrivée en France des premiers taureaux de combat de race espagnole chez l'éleveur Yonnet, et les années 1950, puis les années 1970, quand ont été importés des lots plus complets, avec vaches et étalons, les sementales, notre pays à connu une période intermédiaire, celle des pionniers.
L'Association des éleveurs français de taureaux de combat a déjà rendu hommage à ces éleveurs, visionnaires d'abord, créateurs ensuite.
Le premier d'entre eux, ce fut Joseph Yonnet, qui fit à partir de 1869 l'acquisition de vaches de race navarraise, avant de s'adresser à des éleveurs de Castille puis d'Andalousie. Les produits des croisements ainsi obtenus furent les ferments des spectacles appelés hispano-français, des spectacles issus eux aussi d'un croisement...

Ce sang espagnol fut en vérité le premier et le seul à arriver en France... légalement ou officiellement, le Syndicat ibère s'opposant à toute exportation. Il fallut attendre 1948 pour voir Christophe Yonnet, le père d'Hubert, acheter une partie de l'élevage de Conchita Cintron, de provenance Pinto Barreiros. En 1952, Paul Ricard achètera la partie de l'élevage de Infante de Camara revenue à Emilio, l'un des héritiers.
Il faudra enfin attendre la chute du dictateur Franco en 1975 et l'avènement d'un régime démocratique en Espagne, pour que soient modifiées les règles d'exportation de bétail destiné à la corrida et que les éleveurs français puissent acquérir vaches et étalons. Les fiches individuelles de l'Association des Eleveurs de Taureaux de Combat sont à ce propos suffisamment explicites. Le temps des taureaux dits croisés est révolu, on ne parle aujourd'hui en France que de race pure.

Le berceau espagnol

Il est difficile d'établir avec précision les premières pages de l'histoire des élevages de taureau de combat. Il n'existe en effet aucun document relatant ces débuts, mais on sait cependant par des relations de courses au XV° et XVI° siècle que les animaux de la race Raso Portillo couraient fréquemment en Castille. On sait aussi très précisément que ces taureaux paissaient dans une région proche de Valladolid, en Castille, ce qui permet de tordre définitivement le cou à cette opinion pourtant répandue selon laquelle les premiers élevages seraient andalous, la patrie, ajoute-t-on, de la corrida.

D'autres documents assurent encore que vers le milieu du XVII° siècle, les troupeaux de taureaux sont rassemblés, mais sans qu'on puisse vraiment parler d'élevage. Ce terme précis est impropre, puisqu'il n'existe à proprement parler aucune sélection et qu'il faudra attendre les années 1750 pour trouver trace d'une recherche approfondie dans les élevages de taureaux de combat.
C'est donc vers la fin de ce XVII° siècle qu'on peut déterminer ce que sont les premières races de taureaux, à partir de différences de zones d'élevage comme de différences de morphologie. Et on retrouve là les races qui constituent pratiquement les origines de toutes les ganaderias actuelles :
-Race Castellana et de la Tierra , Jijona, Gallardo, Navarra, Cabrera, Espinosa-Zapata, Vistahermosa, Vazqueña, Vega-Villar.

Taureaux du XXI° siècle

toro-de-giraudS'il est possible d'affirmer qu'à partir du XVIII° siècle, les éleveurs espagnols de taureaux de combat usent de méthodes rationnelles d'élevage, en matière de recherche des caractères essentiels que sont la bravoure, ou tout simplement une morphologie de base, on constate que les produits obtenus sont essentiellement des animaux de belle allure et surtout de grande puissance.
On peut donc se rendre compte que dés ces premières époques de la ganadería, les professionnels se plient à une règle élémentaire : les goûts et les exigences du public...

Personne ne parle encore de commerce, et encore moins de marketing, mais les résultats sont semblables. Et surtout logiques.
Les corridas du XIX° siècle, qui ne nous apparaissent que dans les peintures des maîtres de l'époque, ou encore plus clairement, grâce aux premières images du cinématographe, montrent à merveille que les combats livrés par les toreros d'alors ont peu de rapports avec ceux que nous connaissons de nos jours.
Il n'appartient pas aux observateurs modernes de porter un jugement de valeur sur la nature propre des corridas d'il y a plus d'un siècle, mais force est de reconnaître qu'elles étaient... très différentes ! Les taureaux possédaient des caractères particuliers, une mobilité supérieure, sans doute, mais le combat d'un torero armé d'une simple cape ou muleta, face à un animal qui vient de tuer un, deux, trois, ou davantage, de ces chevaux, qui n'étaient pas encore protégés par le caparaçon, ne pouvait avoir pour but que la préparation en quelques passes du coup d'épée final. Et si le taureau était mobile, le torero l'était encore plus... De nos jours, le public recherche plutôt chez celui qu'on dit vêtu de lumières une certaine immobilité...

San-SebastianLe constat est donc d'une simplicité qui frise la lapalissade : on n'élève pas les taureaux aujourd'hui comme on le faisait il y a... quelques années.
Et les raisons sont bien loin d'être seulement une question de forme de corrida. L'éleveur doit être doté d'une sacrée dose de patience, de tempérament et ...d'argent, pour attendre les résultats d'une sélection qui tarde entre trois et cinq ans pour apparaître, en utilisant des territoires de plus en plus urbanisés...
Pourtant, les bases des principes d'élevage ont peu changé, à commencer par l'essentiel, à savoir les différentes races de taureau de combat. Un décret du Ministère espagnol de l'Intérieur, paru au Journal Officiel du 13 février 2001, établit la liste des races originelles des taureaux de combat :
Race Cabrera (type Miura), Race Gallardo (type Pablo Romero), , Race Navarra, Race Vazqueña (type Concha y Sierra, Veragua), Race Vistahermosa (types Murube-Urquijo, Contreras, Saltillo, Santa Coloma, Albaserrada, Urcola).

Dans cet encaste Santa Coloma, on distingue plusieurs lignes : Buendía, Graciliano Perez Tabernero, Coquilla.
Dans les encastes, ou races, dérivés de Parladé : Gamero-Cívico, Pedrajas, Conde de la Corte, Atanasio Fernandez, Juan Pedro Domecq, Nuñez, Torrestrella.
Pour les croisements avec la race Vistahermosa: Hidalgo-Barquero, Vega-Villar, Villamarta.

Toutes ces races de taureaux sont représentées par des animaux qui possèdent des caractéristiques physiques et de comportement très personnelles.
Comme le montrent les fiches individuelles des élevages français de taureaux de combat - comme d'ailleurs celles des élevages espagnols-, il y a de nos jours une nette prédominance de certains encastes, avec Parladé ou Domecq...
L'aficionado qui prendra la peine d'étudier en profondeur les arbres généalogiques des centaines d'élevages de taureaux de combat existant en Espagne s'en rendra compte. Pour les élevages français, les origines sont encore assez simples. Mais rendez vous au siècle prochain...